« Envoyé Spécial » a enquêté sur les poubelles des grandes enseignes de restauration rapide en France.
apidement cuisiné, rapidement emballé, rapidement avalé et l’emballage rapidement jeté. La restauration rapide est un gros producteur de déchets. Chaque année en France, les chaînes du secteur produisent 183 000 tonnes d’emballages et 60 000 tonnes de déchets alimentaires. Des déchets qui finissent le plus souvent dans la même poubelle, comme le montrent des images extraites d’Envoyé spécial. Pourtant depuis 2016, la loi impose aux enseignes de distinguer les restes alimentaires des emballages, puis de séparer chaque famille d’emballage : métal, bois, carton, papier, plastique et verre.
Les chaînes de fast-food ne respectent pas la loi en matière de gestion des déchets, ont constaté sur place les inspecteurs du ministère de l’Environnement. Une quinzaine de chaînes de restauration rapide étaient convoqués jeudi 30 janvier au ministère pour un rappel à la loi. Les fast-food dénoncent la complexité du système. « Cet argument est difficile à comprendre vu le temps qu’on leur a donné pour mettre en place cette obligation », a expliqué sur franceinfo Nicolas Garnier, délégué général de l’association Amorce (Association nationale des collectivités pour la gestion des déchets).
franceinfo : Est-ce vraiment compliqué pour les chaînes de restauration rapide ?
Nicolas Garnier : Cet argument est difficile à comprendre vu le temps qu’on leur a donné pour mettre en place cette obligation. Cela fait plus de dix ans qu’une structure comme Amorce, et d’autres, demandent à ce qu’il y ait des collectes sélectives dans les restaurants rapides. Elle a été mise en place ces dernières années avec un temps de préparation important. Nous dire, aujourd’hui, que c’est impossible ou qu’elles n’ont pas le temps c’est un peu choquant, sachant que l’obligation de collecte sélective des déchets organiques date de 2012, celle des matériaux, plastiques, cartons, verres, date de 2017. Il y a eu du temps pour préparer tout cela. C’est aussi choquant parce que cela donne le sentiment de recyclage à deux vitesses. On dit aux gens qu’il faut recycler chez eux et quand ils sortent dans les restaurants rapides et les TGV il n’y en a pas. Cela interroge le citoyen sur le moment où il doit faire un effort.
Que faut-il faire ?
Beaucoup de ces déchets ne sont pas recyclables et cela pose une question sur les choix de matériaux qui ont été faits. On appelle à ce qu’il y ait une vraie réflexion là-dessus. La question de la signalétique est également à améliorer. Sur la plupart des produits consommés vous avez un certain nombre de logos qui sont complètement confusants pour le consommateur. Ils leur font croire que le produit qu’ils sont en train d’acheter est recyclable ou recyclé et on voit très régulièrement que ces informations sont mensongères. Donc, là aussi nous soutenons le gouvernement dans son envie de remettre un peu d’ordre dans tout cela. Il est temps qu’un certain nombre d’acteurs qui ont des obligations légales, y compris de ne pas mettre en place d’informations tronquées sur leurs produits, le fassent.
Comment obliger les chaînes de restauration rapide à respecter ces obligations ?
Quand une amende n’est pas dissuasive, c’est qu’il faut la revoir. On entend aussi la nécessité de dialogue. Pendant quelques années un certain nombre de chaînes de restauration ont pris contact avec les collectivités locales pour voir s’il pouvait y avoir des partenariats. Si les collectivités locales collectent les ménages, elles peuvent aussi collecter les fast-food. Mais ils devaient payer car ça ne pouvait pas être les taxes locales qui payaient pour les fast-food. Bizarrement, on ne les a plus entendus. On est prêts au dialogue mais il faut que chacun paie pour les déchets qu’il génère
Restauration rapide : les mauvais élèves du recyclage
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Alors que les chaînes de restauration rapide viennent d’être rappelées à l’ordre par les pouvoirs publics, notamment suite à une plainte de l’association Waste France, le Snarr s’est fendu d’un communiqué pour expliquer la position de la branche et les failles du système actuel. Il souhaite une responsabilité partagée.
Suite à une réunion entre Brune Poirson, la Secrétaire d’État auprès du ministre d’État, Ministre de la Transition écologique et solidaire et les entreprises de la restauration rapide, le principal syndicat de la restauration rapide, le Snarr a souhaité faire le point sur la situation pour éviter de stigmatiser une branche déjà engagée en matière de recyclage. Alors que le gouvernement voudrait que la restauration rapide applique le tri des déchets en salle, les restaurateurs indiquent se conformer à la règlementation existante, renvoyant du même coup chacun à ses responsabilités, Citeo comme les collectivités locales. « Pourquoi ne faire porter la responsabilité du tri et la valorisation des déchets en salle, qu’aux seules enseignes de restauration rapide », regrette le Snarr. « Ce parti pris ne permet pas de répondre à la globalité de la problématique qui implique de lever les freins actuels tels que le manque de clarté du système de la réglementation en vigueur ou l’absence d’uniformisation du système de collecte des déchets par les collectivités locales (prévu dans le cadre du service public de gestion des déchets) … Dans ce cadre, le succès du déploiement du tri est un enjeu majeur qui nécessite l’implication des restaurants mais aussi la mobilisation de l’ensemble des parties-prenantes ».
Une réglementation encore trop floue
Le Snarr, s’appuyant sur les nombreuses expérimentations volontaires conduites ces dernières années par plusieurs de ses enseignes adhérentes, rappelle notamment le flou important de la réglementation actuelle qu’il conviendrait, selon lui de lever rapidement car il constitue un frein à l’obtention des résultats concrets en matière de gestion des déchets de la restauration rapide, souhaités autant par la ministre que par les enseignes. En effet, le tri des déchets dans la restauration rapide s’appuie aujourd’hui sur deux réglementations distinctes en fonction de la zone du restaurant (cuisine ou salle) car les déchets ne sont pas de même nature. En cuisine, les déchets professionnels notamment ceux soumis au décret 5 flux sont gérés par des prestataires privés tandis qu’en salle, une fois vendus, les produits emballés sont, soit consommés sur place, soit emportés par les consommateurs, et deviennent des déchets d’emballages « assimilés ménagers » quels que soient les matériaux utilisés (plastiques, cartons, …). En ce sens, ils sont soumis à la REP (Responsabilité Elargie des Producteurs de déchets). Et dans ce cas, le code de l’environnement (articles L 541-1011 et R 543-56) impose aux entreprises soit de mettre en place un système individuel de collecte et de traitement des déchets d’emballages ménagers (cartons, plastiques …),soit d’adhérer et de contribuer financièrement à un éco-organisme tel que Citeo. Et le Snarr de souligner que, depuis la création de la REP Emballages en 1992, les entreprises du secteur de la restauration rapide justement ont adhéré à l’éco-organisme unique en charge de cette REP Ecoemballages devenu Citeo. Elles lui ont versé près de 60 M€ ces 5 dernières années.
Deux mois pour présenter une feuille de route
La ministre a entendu les observations formulées par le Snarr et a clarifié l’interprétation du champ d’application des deux réglementations. Elle a fixé un rendez-vous aux restaurateurs d’ici à la fin mars pour faire un point précis sur les actions de mise en conformité qu’ils devront déployer. Le Snarr précise « souhaiter légitimement, en l’état actuel de la réglementation, bénéficier d’un service homogène sur tout le territoire de la part de l’ensemble de l’écosystème REP Emballages (les centres de tri, les recycleurs, les collectivités locales, etc…) pour permettre aux enseignes de la restauration rapide et à leurs clients de valoriser les déchets produits dans les salles de restaurant. La réalité sur le terrain est aujourd’hui trop hétérogène et constitue un frein majeur pour réussir le déploiement de nos bonnes pratiques ».
Conscient de l’importance d’améliorer le dispositif actuel de gestion des déchets mais également désireux de trouver des solutions pragmatiques dans un contexte de responsabilités partagées, le syndicat de la restauration rapide souhaite que le cycle de travail organisé par le Ministère permette de faire le point sur les défaillances du système actuel et de trouver des solutions communes pour que tous les acteurs puissent s’engager dans une démarche d’économie circulaire efficace. Un message clair qui a le mérite de pointer du doigt les failles du système actuel. En bref, que le tri des déchets en salle dépend purement et simplement des services publics et de l’organisme en charge des emballages, Citeo.
Source : Communiqué du Snarr.
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